Dernière recrue du mercato estival montpelliérain, l’Italo-Ghanéen retrace son parcours avec, en toile de fond, l’influence de son oncle, ancien attaquant de Leeds United et du Hambourg SV
En fermant les yeux, les souvenirs remontent petit à petit à la surface. On se souvient de ces dimanches soir du début des années 1990 à attendre le début du générique de l’Equipe du dimanche sur Canal+. À l’époque, cette nouvelle émission et la voix mythique de son présentateur Thierry Gilardi, sont une sorte de grande messe pour les passionnés du ballon rond, parce qu’elles constituent le seul trait d’union avec le football étranger que personne en France ne retransmet à l’époque. On apprend à y découvrir les stades allemands, espagnols, italiens, anglais et le fabuleux mano-à-mano entre le Newcastle de Kevin Keagan et David Ginola d’un côté et le Manchester United de sir Alex Ferguson et Eric Cantona de l’autre. Pas loin de là, la troisième force du pays se nomme Leeds United. Un club réputé dur où ‘’Canto’’ a fait ses premières armes en Angleterre, avant de rallier Manchester six mois seulement après son arrivée. Pour le remplacer, les Peacocks avaient alors misé sur un attaquant inconnu du grand public, Anthony Yeboah. Mais l’avant-centre ghanéen avait claqué but sur but, faisant oublier l’ombre laissée par son glorieux ainé tricolore, au point d’hériter de sa chanson phare, puisque le « Ouh Ah Ou ah, ou ah Cantona ! » est très vite devenu le « Ouh Ah, Ou ah, ou ah Yeboah ! ».
En ce 1er septembre 2023, il a été difficile de ne pas se remémorer ces instants précis, au moment où Kelvin Yeboah, neveu d’Anthony a rejoint le MHSC comme ultime recrue du mercato estival : « Mon oncle me côtoie et me suit depuis mon plus jeune âge, raconte Kelvin. Pour mes frères et sœurs comme pour moi, il est le symbole que tout est possible dans la vie. Il a démarré sa carrière au Ghana. A son époque, c'était très difficile d'avoir une opportunité quand on évoluait dans un pays africain comme le nôtre et lui a su le faire. Dans ma famille, tout le monde joue au foot et il nous a bien fait comprendre que tout était possible quand on faisait les efforts et que l'on s'entraînait dur. »
L’hommage est aussi appuyé que sincère ; une sorte de point d’ancrage depuis lequel Kelvin essaie de tracer sa propre route, sans jamais s’éloigner des conseils de son glorieux ainé. Une route qui est d’abord passée par l’Italie, où le natif d’Accra (la capitale de Ghana) a immigré dès son plus jeune âge en compagnie de ses parents. Là-bas, le jeune Kelvin grandit à Novare, près de Milan, en compagnie de sa sœur et de ses 3 frères. Dans la famille (où la mère travaille dans un restaurant et le père comme magasinier), le ballon rond n’est jamais très loin : « Le foot a toujours fait partie de notre vie de famille, sourit le néo-Montpelliérain. J'ai grandi avec un ballon au pied et j'ai rejoint mon premier club à l'âge de 6 ans, à Merano, avant d’évoluer successivement dans les équipes de jeunes de Novara, Monza et Gozzano. » Il passa même quelques mois au Centre de Formation de West Ham, aux alentours de ses 16 ans, mais c’est finalement quelques mois plus tard, en Autriche, que sa carrière a réellement décollé. Une destination assez originale dont il ne garde que de bons souvenirs : « J'ai commencé ma carrière pro à l'âge de 17 ou 18 ans, au sein du club de WSG Tirol, se souvient-il. Le foot autrichien se structure au fil des années, dans le sillage notamment de la prestigieuse académie du Red Bull Salzbourg, qui a vu éclore de très bons joueurs. Quand on m'a proposé de rejoindre ce pays, je n’ai pas hésité. » Le pari est gagnant. Entre juin 2018 et janvier 2021, cet attaquant rapide et puissant pouvant évoluant au poste d’ailier comme à celui d’avant-centre, inscrit 14 buts en 63 matchs avec le WSG, permettant au club du Tirol d’accéder à la première division autrichienne puis de remporter la coupe nationale. « J'y ai passé de très bons moments et ça m'a beaucoup aidé dans ma progression. »
Homme-clé de son club, ses performances n’échappent pas au Sturm Graz, qui le recrute en janvier 2021. Réputé pour former ou post-former de très bons attaquants comme les internationaux croates et autrichiens Ivica Vastic et Mario Haas, Graz saisit l’occasion et Kelvin y inscrit 20 buts en 45 matchs « J'ai vécu des moments fabuleux là-bas, se remémore-t-il, non sans une certaine émotion. J’y ai inscrit beaucoup de buts et j'ai aussi beaucoup aimé la ville et la vie là-bas. Ça a été une très belle expérience. » A cette époque, la Bundesliga lui fait les yeux doux, mais Kelvin choisit de prendre tout le monde à contre-pied en janvier 2022, en signant au Genoa : « Quand tu joues en Autriche, rejoindre l'Allemagne dans la foulée est quelque part une suite logique dans une progression, mais j'avais envie de retourner en Italie. J'ai choisi avec mon cœur plus qu’avec ma tête mais je ne regrette rien. Pour moi c'était vraiment important d'avoir cette expérience dans le pays où j'ai grandi. » Cette aventure à Gênes sera constituée de 6 mois à lutter pour le maintien en Série A lors de l’exercice 2021-2022 et 6 mois à tenter d’y remonter entre juin et décembre 2022. « Ça a été très formateur », avoue-t-il. L’Allemagne, il l’a finalement fréquentée le temps d’un prêt lors des 6 derniers mois de la saison passée : « C'était une belle expérience, même si j’ai malheureusement connu une blessure qui m'a éloigné des terrains pendant un mois sur les 6 que j'ai passés là-bas. J'ai vraiment apprécié mon passage là-bas. »
Au fil de l’été, l’international espoir italien pensait reprendre la saison avec le Genoa (de retour dans l’élite cette saison), mais il a finalement rejoint le MHSC le dernier jour du mercato estival : « Le football à quelque chose de particulier qu'il est assez imprévisible, sourit Kelvin. Tout est allé très vite mais dès que j'ai eu l'appel du MHSC, j'ai dit oui et le deal s'est concrétisé très rapidement. » Il poursuit : « la direction sportive du MHSC me suit depuis mon passage à Sturm Graz et cela a bien sûr compté au moment de prendre ma décision de valider ce prêt et de rejoindre Montpellier. Je pense que je bénéficie ici d'un très bon environnement footballistique et humain pour pouvoir franchir un pas très positif dans ma carrière. »
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas trainé. Arrivé vendredi dernier, il était dans le groupe dimanche et est même devenu le 1er international espoir italien à porter le maillot du MHSC en match officiel. Entré durant les 15 dernières minutes au Stade Pierre-Mauroy, il a même failli inscrire un but, finalement refusé pour un hors-jeu de quelques centimètres : « Je suivais un peu le championnat de France depuis l'Italie mais c'est toujours différent de regarder à la télé et de disputer un match de cette compétition, explique le nouveau 23 montpelliérain. Après ce premier match, je sais un peu plus où je mets les pieds. Je trouve que c'est un peu moins tactique qu'en Italie et qu’il y a un peu plus d'espace. En Ligue 1, les matchs me semblent un peu plus ouverts qu'en Italie. J'ai aussi ressenti beaucoup d'impact physique et de vitesse dans le jeu, souligne-t-il. J'espère que la prochaine fois, le but sera valable et que je pourrais aider l'équipe, que ce soit par un but, par une passe décisive ou une action qui amènera quelque chose de positif pour l'équipe. »
S’il n’a encore que très peu d’entraînement collectifs dans les jambes et que la plupart d’entre eux ont été effectués avec un effectif réduit en l’absence des internationaux, Kelvin assure avoir de très bons ressentis sur la qualité du groupe pailladin : « Cela fait très peu de temps que je suis ici mais je trouve la ville très agréable, le temps est très beau et tout le monde au club est très sympa avec moi. Je suis vraiment au bon endroit, explique-t-il. Sportivement, j'ai été très bien accueilli par mes nouveaux coéquipiers et même si nous n'avons pas réussi à gagner mon premier match contre Lille, j'ai vraiment senti de belles connexions entre mes coéquipiers, ce qui a d'ailleurs bien failli se concrétiser par mon 1er but. Quoi qu’il en soit, le MHSC me semble être un très bon club et, sur ce que j'ai vu aux quelques entraînements auxquels j'ai pu participer depuis mon arrivée, je suis assez confiant. » Au moment d’évoquer ses objectifs justement, l’international espoir italien (qui se définit comme quelqu’un de calme en dehors du terrain et dont la lecture est un des passe-temps favoris), se veut plutôt ambitieux : « Collectivement, je sais que le club a des objectifs élevés et je pense que tu as besoin de ça pour progresser. Cette équipe veut aller le plus haut possible et j'espère l'y aider au maximum, souligne-t-il. Mes objectifs personnels ? Ils sont identiques parce qu'il n'y a rien de plus important que le groupe ; tout passe par là. Le plus important c'est d'aider le club. »
Au moment d’évoquer son style de jeu, cet admirateur des Ronaldo (le Brésilien comme le Portugais), ou bien encore de Ronaldinho, explique : « Il est assez difficile de se décrire soi-même, mais je suis quelqu'un qui va assez vite, qui est capable d'évoluer en position d’ailier ou d’avant-centre, qui aime le un-contre-un et prendre l’espace, explique-t-il avant d’ajouter : « Cela dit, je ne perds pas de vue que je suis quelqu'un de jeune et que j'ai encore beaucoup de points à améliorer dans mon jeu. C'est ce que j'essaie de faire au quotidien aux entraînements et en match. »
Pour cela, il pourra compter sur les conseils de son oncle Anthony, qui n’est jamais très loin : « J'ai beaucoup appris de lui. Il m'a fait prendre conscience qu'avec le travail, tout pouvait être possible. J'ai beaucoup regardé ses buts, sa manière de jouer, de se déplacer et j'en discute régulièrement avec lui. Il me donne son ressenti sur mes matchs et c'est quelqu'un sur qui je peux compter et qui me conseille beaucoup. » S’il a pour l’instant joué, comme son oncle, en Allemagne, il espère aussi évoluer un jour en Premier League, où Anthony a brillé par le passé « ça fait partie de mes objectifs futurs, avoue-t-il. Mais aujourd’hui, je suis ici et j'ai beaucoup de choses à accomplir pour aider l'équipe au maximum et rendre au club la confiance qu'il m'a donnée. » Les plus assidus des supporters montpelliérains n’ont sans doute pas oublié qu’Anthony Yeboah avait joué à La Mosson durant l’été 1999 en finale aller de la Coupe Intertoto. Au retour, il avait même marqué le but qui avait permis aux Allemands de revenir à égalité sur l’ensemble des deux matchs (1-1), avant que les Montpelliérains ne s’imposent aux tirs au but : « Je ne le savais pas mais je suis sûr que lui s'en rappelle, rigole Kelvin. Je l'ai eu au téléphone juste avant de signer ici. Il m'a félicité et il m'a dit qu'il était très heureux que je rejoigne le championnat de France et que le MHSC était un bon club pour moi et pour ma progression. » Cette fois, les buts seront marqués du bon côté. Mieux vaut avoir un Yeboah avec que contre soi…
